”J’ai abandonné l’idée de conserver mon titre” : réaliste, Nina Derwael va se servir de l’Euro pour préparer les Jeux
La championne olympique Nina Derwael va signer un retour très attendu aux barres asymétriques, début mai, à l’Euro de Rimini.
- Publié le 18-04-2024 à 09h09
La dernière fois que l’on a vu Nina Derwael à son agrès de prédilection, c’était en novembre 2022, aux Mondiaux de Liverpool, où elle avait pris le bronze quinze mois après son titre olympique. C’est dire si sa prestation aux barres asymétriques, lors de l’Euro de Rimini où elle s’alignera également à la poutre, sera attendue. Ce mercredi, à la Planet Group Arena de Gand, la Trudonnaire a cependant affiché son réalisme en affirmant qu’elle avait “abandonné l’idée de conserver son titre olympique”.
Nina, que cela vous fait-il d’être de retour en compétition aux barres asymétriques ?
”Beaucoup de bien ! Cela fait deux mois que je m’entraîne à nouveau à cet agrès, il a fallu que ça aille vite pour être prête pour l’Euro et mon exercice est toujours en construction. Il y a beaucoup de travail de conditionnement physique à faire, ce sont des muscles spécifiques qui sont sollicités. Mais, petit à petit, les choses se mettent en place. Et même si j’ai occasionnellement de petits flash-back liés à mon accident, en sortie d’exercice, j’ai confiance en mon épaule opérée.”
Quelles sont vos attentes pour cet Euro ?
”Je ne sais pas, on n’a pas encore arrêté l’exercice (rires) ! Évidemment, je n’irais pas avec une note de départ de 5,0. Ma coach a parlé de 5,7 ? Je pense que ce n’est pas le maximum. On va encore voir, de toute façon c’est une étape vers un exercice sans doute complètement différent aux Jeux. Le Fenton-Derwael n’est pas à l’ordre du jour, le mixed-grip (NdlR : une main à l’endroit, l’autre à l’envers) étant trop exigeant pour mon épaule, mais on va reprendre le travail après Rimini. À l’Euro, je ne me mets pas la pression. L’important c’est de me dire : je suis de retour, je suis à nouveau capable de faire un exercice et je vais utiliser la compétition pour préparer les Jeux. Et en même temps, je donne un coup de main à l’équipe.”
Quid de la poutre ?
”Curieusement, je ne me suis jamais sentie aussi bien préparée à la poutre et aussi mal préparée aux barres asymétriques qu’avant cet Euro (rires) ! Lors du dernier test à la poutre, j’ai présenté une difficulté de 5,7 pour un total de 13,950 points. Mais je n’avais pas encore fait beaucoup de sorties, donc je vaux sans doute 14,200 ou 14,300 points. Avec ce score, on joue le top 8 européen, avec une chance de finir plus haut. Cela dépendra aussi du déroulement de la compétition : certaines concurrentes en ont fait un objectif, d’autres tenteront des choses en vue de Paris.”
Ce mercredi, nous sommes à J-100 avant Paris 2024. Que cela vous inspire-t-il ?
”Je pourrai assurément faire bon usage de ces 100 jours ! C’est beaucoup et peu à la fois.”
Ressentez-vous autant de stress qu’avant les Jeux de Tokyo ?
”C’est un stress différent pour le moment : celui de ne pas me sentir prête. Et je ne sais pas si je me sentirai suffisamment prête, comme avant Tokyo où je me suis dit : ‘La compétition peut commencer pour moi’. En 2021, j’avais le stress de bien prester, connaissant mon potentiel. Aujourd’hui je suis plus calme : j’ai gagné toutes les médailles que je voulais gagner. De ce point de vue, je n’ai aucune pression. Mais aux yeux des gens, je ne peux que faire moins bien.”
Que cela signifie-t-il quant à vos ambitions en France ?
”Il faut être réaliste : j’ai abandonné l’idée de conserver mon titre olympique depuis ma blessure à l’épaule en septembre. Il y a beaucoup de nouveaux talents. Et il ne serait pas raisonnable de se fixer des objectifs irréalisables, cela ne peut qu’engendrer de la déception.”
Ce n’est pas le but de faire le concours général à Paris.
Envisagez-vous de préparer aussi le saut et le sol en vue des JO ?
”Non, ce n’est pas le but de faire le concours général. On n’a pas un trait… en pointillé dessus. Cela pénaliserait mon potentiel au niveau des barres et de la poutre qui doivent rester mes priorités. Lors du cycle olympique précédent, je me suis classée 4e et 5e mondiale all-around, puis j’ai été 6e aux JO. Je ne ferai plus jamais mieux ! Essayer prendrait du temps et de l’énergie qu’il vaut mieux utiliser pour perfectionner la poutre et revenir à un bon niveau aux barres. Mais pourquoi pas un retour au concours général en vue de Los Angeles 2028 ? Cela dépendra de mon corps.”
La qualification pour les Jeux a dû engendrer beaucoup de fierté, non ?
”Oui, l’équipe et moi sommes extrêmement fiers de ce qu’on a atteint en quelques mois. Peu de gens pensaient cela possible. Moi aussi, j’étais pessimiste en novembre mais c’était un stade encore très précoce dans ma revalidation. On a été surpris de voir à quelle vitesse j’ai retrouvé mes sensations, ce que personne ne pouvait anticiper.”